mercredi 2 novembre 2011

Dernier extrait à la suite...

Jacques Marmotet: détective privé. Hélène Lagache: juge d'instruction. Émile Fouquereuil: commissaire de police. Pierre-Louis Sanylski: directeur de prison. Quatre joueurs, quatre points cardinaux pour quatre histoires criminelles dans Quatre à la suite.

 



Ce nouveau livre de Richard Albisser, publié dans la collection Riffle Nord, est né d'ateliers d'écriture réalisés dans le cadre d' "écrire à Béthune 2011". Sa thématique policière nous fait vous en révéler des extraits sur le blog Riffle Noir.

 


Extrait 4: Affaire racontée en partie par Émile

UN TRÈFLE
MORT À L'EST
CARTE DÉCISIVE: LE ROI DE TRÈFLE

Prologue

    Le 14 mai de l’an de grâce 1643, Louis XIII dit le Juste, bien qu’il eût voulu qu’on l’appelât aussi le Chaste, s'éteignait dans son palais du Louvre. Il avait 42 ans. Ironie de l’Histoire : son père, Henri IV, disparaissait lui aussi un 14 mai, trente-trois ans plus tôt. Pendant exactement vingt-huit années, le roi avait nourri une méfiance extrême à l’égard de son épouse. Anne d’Autriche était toujours restée à ses yeux une descendante des Habsbourg dont la rivalité épuisait la France depuis plus d’un siècle… À telle enseigne que le testament limitait drastiquement les pouvoirs de la Régente et ouvrait des facilités déconcertantes aux ambitions du Parlement, de Condé et du prince de Conti.
    Le matin du 20 mai, à 10 h, la reine convoquait D’Artagnan, le capitaine des Mousquetaires.
    – Monsieur D’Artagnan, lui dit-elle, vous aurez à veiller sur le jeune roi. Des menaces de Fronde m’ont été rapportées…
    – Sa Majesté, répondit le Gascon, peut compter sur mon dévouement absolu et sur ma fidélité indéfectible.
    – Nous savons tout cela, Monsieur. Vous l’avez déjà prouvé en déjouant en son temps cet affreux complot. Elle faisait bien sûr allusion à Richelieu qui avait intrigué contre elle dix-huit ans plus tôt. Nous aurons d’ailleurs en Monsieur de Mazarin un allié plus sûr. Voici, je tenais à vous les remettre en remerciements… À ce moment précis, la Reine ouvrit un petit coffret de bois rose à son chiffre posé sur un coussin de velours pourpre dans lequel brillaient de tous leurs feux les ferrets qui avaient été un élément de la conspiration conduite contre elle puis elle le referma avec un soin tout particulier… Cette apparition raviva chez l’homme de guerre le souvenir de Constance Bonacieux, son amour de jeunesse. Empoisonnée par Milady de Winter au carmel de Béthune, elle y était désormais inhumée.
    – Je ne saurais accepter un tel présent, s’excusa notre héros.
    – Vous m’offenseriez !
   – Dans ce cas… D’un pas mesuré et cérémonieux, le militaire s’approcha du bureau de la reine et se saisit avec le plus grand respect de l’écrin qu’il tenait maintenant à la façon d’un prêtre qui manipule l’ostensoir.
    – Maintenant, je vous prie de m’excuser. Les affaires du Royaume ne peuvent attendre...
   D’Artagnan fit sa plus belle révérence et quitta les appartements de la Régente. Il marchait dans les couloirs du Louvre, souvent déserts à cette heure-là, quand un éclat de voix et un bruit de chaises le retinrent derrière une porte. Elle donnait sur l’un de ces petits salons où l’on jouait au piquet . La nature profonde du gendarme fit oublier quelques instants le trésor dont il était porteur si bien qu’il se cacha derrière un de ces immenses rideaux qui étaient le paravent d’un grand nombre de conspirateurs. Les tentures étaient suffisamment épaisses pour ne pas être vu et comportaient assez de pans pour laisser à la jonction de deux d’entre eux la possibilité d’un poste d’observation. Deux hommes en sortirent. Au vu de leur physionomie, ils avaient tous deux moins de trente ans. D’Artagnan reconnut aussitôt le jeune vicomte de Vaux en compagnie de celui dont la rumeur courait qu’il était le protégé du Ministre de la Guerre. Se pensant seuls, ils poursuivirent leur discussion.
   – Monsieur Fouquet, fit ce dernier, me voilà, maintenant et pour très longtemps, votre obligé.
    – Le jeu est le jeu, monsieur Colbert. Le vicomte avait en main à ce moment précis une carte et il la tenait à la fois comme un bien précieux et comme un signe de victoire.
    D’Artagnan comprit qu’il s’agissait d’une de ces reconnaissances de dette dont les montants étaient parfois astronomiques tant ces jeunes gens, enivrés par les enchères, misaient à en perdre la tête. Il eut le sentiment soudain que ce duo-là ne serait pas en reste mais il n’avait qu’une hâte, c’était qu’ils déguerpissent pour que lui-même pût sortir de son poste de guet où il faisait une chaleur épouvantable.
    Peu de temps après, il regagnait sa caserne. Chemin faisant, il songeait à la reine et avait complètement oublié la scène entre les deux jeunes gens. Que pouvait-il faire de ces diamants ? Les vendre ? C’était inconcevable. Les conserver ? Il serait par monts et par vaux à guerroyer pour le compte de Mazarin ou à assurer la protection du jeune roi. Les remettre à quelqu’un de confiance ? C’était tout de même délicat. Les mettre en lieu sûr ? Cette décision lui paraissait la plus sage. Mais à quel endroit ? Le visage de Constance illumina à cet instant les aires inquiètes de son cerveau qui revisitait l’effroyable souvenir de sa mort…
    – Constance ! Constance, s’écria D’Artagnan.
   Un soupir s’échappa de la bouche de Mme Bonacieux, effleurant celle de D’Artagnan ; ce soupir, c’était une âme si chaste et si aimante qu’elle remontait au ciel.
    D’Artagnan ne serrait plus qu’un cadavre entre ses bras.
    Le jeune homme poussa un cri et tomba près de sa maîtresse, aussi pâle et aussi glacé qu’elle.

[…]
   – Madame, dit Athos […], nous abandonnons à vos soins pieux le corps de cette malheureuse femme. […] Traitez-la comme une de vos sœurs ; nous reviendrons un jour prier sur sa tombe.

   Sa décision était maintenant prise : les ferrets rejoindraient la défunte. Lorsqu’au siège de Maastricht, D’Artagnan reçut un coup mortel, les dernières pensées du mousquetaire, qui deviendrait grâce à Alexandre Dumas un des héros les plus connus de l’Histoire de France, allèrent vers la jeune fille de Béthune, enterrée en un lieu désormais inconnu, détentrice d’un secret que le bretteur emmenait également avec lui dans la tombe…
Fin des quatre extraits à la suite.



MORT AU NORD - LA DAME DE CŒUR (Extrait 3)

à lire >>>> ICI

 

MORT AU SUD - LE VALET DE CARREAU (extrait 2)

à lire >>>> ICI

 

MORT À L'OUEST - L'AS DE PIQUE(extrait 1)

à lire >>>> ICI

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