Auteur d'Un os à ronger (collection Le Riffle), Marc Falvo ajoute à sa bibliographie un nouveau roman : L'origine du blues.
Un polar musical et bicéphale. Un polar, pas plus, pas moins. Noir jusqu’au bout des ongles.
Et c'est dans votre collection Riffle Noir !
PREMIER EXTRAIT
Prologue
Les persuadés
La première fois que Bruno et Bélial King ont bossé ensemble,
c’était au collège. L’un a triché sur l’autre – on n’a
jamais su lequel – et ils se sont fait choper tous les deux.
Dans le bureau du proviseur, Bélial, quatorze ans, a blâmé la
fatalité, les avanies du système scolaire, un cruel alignement de
planètes. Bruno déjà, préférait le silence. Leur problème a été
réglé avec une paire de baffes et quelques heures de colle. En
sortant du bureau, ils se sont assis sur un banc, honteux, surtout en
colère.
– Pas exactement…
– Exactement…
– PAS exactement.
– C’est-à-dire ?
– T’es pas exactement un enfoiré.
Bruno s’est jeté sur Bélial. Ils se sont battus. Bélial a gagné.
Ce genre de traquenard crée des liens. Les ados, d’humeur
solitaire – l’un par choix, l’autre par défaut – sont
devenus inséparables. Ont collectionné petites joies et grandes
déconvenues et jamais ils n’auraient nié que leur duo, malgré
certaines différences, les rendait plus forts, au moins dans les
bagarres, l’appréhension de la puberté, cette vie en général.
A quinze ans, Bélial sortait sa première fille, plus âgée de deux
classes. Une rousse. Bruno a tenu la chandelle, en plus le film était
une daube. A seize ans, Bruno conduisait. Il prenait la voiture de
son père et s’offrait de longues balades en solo. A dix-sept,
après avoir lu Le grand sommeil de Chandler, Bélial s’est
acheté un vieil imperméable. Certains élèves, dont une paire de
terminales, ont ri. Il a perfectionné son crochet du gauche.
– Pas exactement…
– Exactement…
– PAS exactement.
– C’est-à-dire ?
– Quand même, il est pas exactement à ta taille…
Bélial s’est jeté sur Bruno. Ils se sont battus. Bélial a gagné.
Bien sûr, King n’est pas leur vrai nom.
Clause de style, rien de plus. Leroy et Leroi pour un cabinet de
détectives, ça faisait un peu trop prime time du lundi soir sur TF1
alors les deux jeunes mecs ont cherché quelque chose de plus classe
lorsque s’est présentée la chance de réaliser enfin leur rêve,
après des bacs moyens et deux cursus universitaires avortés.
S’associer contre le crime et surtout pour la gloire, gavés qu’ils
étaient de films, romans noirs et séries policières.
Sous leurs noms en lettres d’or, la plaque du bureau portait
l’inscription :
The thrill is gone
Hommage à leur bluesman favori. La
déférence courait jusqu’au patronyme. Bruno et
Bélial King. Initiales B.B. King. The
thrill is gone. C’était
plutôt cohérent.
A vingt-cinq ans donc, Bruno et Bélial ouvraient leur cabinet.
A vingt-sept ans, ils rencontraient Dina mais c’est une autre
histoire.
A vingt-huit ans, le cabinet fermait.
Pourri par les dettes, la routine crasse et le malheur. Encore une
fois, Bélial a crié au loup, à leur géographie hasardeuse, c’est
vrai qu’on était loin de Boston, Los Angeles, New York, il a
encore mis ce foutu alignement de planètes sur la table. Lille, le
Nord n’étaient juste pas assez grands ni assez biens pour eux.
Bruno est parti. Bélial a voulu continuer seul, et donc s’est
planté seul, une seconde fois. Bruno est devenu taxi, Bélial
journaliste – pour rentabiliser son appareil photo – et ils ne se
parlaient plus, ne se voyaient guère, se seraient ignorés au plus
profond de l’abîme… Cette histoire commence à l’aube de leurs
trente-et-un ans.
Alors que la métropole lilloise engourdie se prépare à fêter la
naissance d’un barbu prophétique et qu’un pauvre type se fait
salement buter dans la luxueuse suite d’un palace de province.
Etouffé, émasculé, ligoté au lit King size, cloué par une
tige d’acier inoxydable à ce même lit. Sur le ventre. Planté.
Epinglé. Avec, mutilant son dos nu, un sordide et curieux tatouage…
Tête de mort. Gravée. A la pointe de couteau, et sans anesthésie.
Aucun doute, c’était une offrande de taille à la froide saison
naissante, une sacrée nouveauté au catalogue automne-hiver des
cinglés. Sans compter les trois mots, Bye Bye Butterfly,
écrits sur le mur blanc de la chambre avec le propre sang du mort,
calligraphiés par un tueur qui juste après a disparu, bien sûr,
seul dans la nuit déserte… Envolé. Dissipé. Une ombre.
Imaginez les cris de la femme de chambre, au petit matin. Cette
employée modeste chargée du réveil de la star, coqueluche des
salons, toujours entre deux trains, deux cocktails, habituée à
recevoir les honneurs, de sa région d’abord puis du pays entier.
Le sang. Partout. Le corps meurtri.
Les draps souillés, et cette expression de terreur.
Je vais mourir.
Voilà ce que les yeux révulsés du cadavre hurlaient.
Là, tout de suite, je suis juste en train de passer à l’as.
La femme de chambre en a lâché son plateau d’argent, qui s’est
écrasé au sol. Le pot de café noir s’est répandu sur la
moquette, deux toasts dorés à point se sont brisés en mille
miettes et le beurre a fondu. Les croissants chauds ont eu le temps
de refroidir.
Un cri strident, puis un autre.
Une course précipitée.
La pauvre femme de chambre hurlait à tout rompre, elle a réveillé
la moitié de l’étage. Les autres résidents n’osaient plus
ouvrir leurs portes. Quelqu’un a appelé la police. En revanche,
personne n’a appelé les paparazzis mais ils sont venus quand même.
Bientôt, un second extrait !
Toutes les dates de dédicaces de Marc Falvo sont sur notre blog.
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